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Crise Iran–Israël et souveraineté stratégique européenne


L’Europe, malgré sa proximité géographique et ses alliances diplomatiques avec les deux pôles indirectement impliqués
Les enseignements orbitaux, numériques et doctrinaux d’un conflit asymétrique pour l’Union européenne. Rédigée pour le Centre Européen de Sécurité et de Stratégie (CESS)

Juin 2025

I. Préambule, un conflit périphérique à portée systémique


La frappe massive déclenchée par l’Iran contre le territoire israélien en avril 2024, suivie de la riposte immédiate et chirurgicale de Tsahal, a exposé l’Europe à un révélateur stratégique brutal : sa dépendance informationnelle, technologique et doctrinale face à une guerre de haute intensité. Si ce conflit a surgi dans un corridor historiquement instable, entre Levant et golfe Persique , ses ramifications s’étendent bien au-delà du Moyen-Orient, touchant directement les équilibres globaux, les flux énergétiques, les chaînes de valeur sécuritaires et la posture même de l’Union européenne dans le concert des puissances.


L’Europe, malgré sa proximité géographique et ses alliances diplomatiques avec les deux pôles indirectement impliqués (États-Unis et Israël d’un côté, Russie et Chine en appui partiel de l’autre), est restée dans une posture d’attente, sans autonomie technologique ni capacité décisionnelle propre. Plus qu’une impuissance militaire, c’est une absence d’autonomie cognitive qu’a révélée ce conflit : l’impossibilité d’accéder à du renseignement stratégique en temps réel sans s’en remettre aux canaux alliés.


Dans ce contexte, la présente note stratégique propose une analyse structurelle du conflit sous l’angle techno-militaire, en soulignant les leçons à tirer pour la souveraineté orbitale, numérique et cognitive de l’Europe. Elle propose enfin des recommandations claires et opérationnelles, à horizon 2030, pour combler les angles morts de l’autonomie stratégique européenne.



II. Le conflit Iran–Israël : une démonstration de techno-puissance en temps réel


1. La supériorité israélienne en matière de renseignement satellitaire et de commandement assisté


Israël a déployé dans ce conflit une doctrine de frappe proactive augmentée par satellite, reposant sur un écosystème unique : satellites optiques Ofek (résolution submétrique), drones de haute altitude Heron TP, système Iron Beam d’interception par laser, coordination IA en boucle courte entre observation orbitale, captation électromagnétique, et réponse cinétique. La fusion des capteurs optroniques, électromagnétiques et HUMINT a permis une réponse ciblée, sans escalade incontrôlée.


2. La doctrine iranienne : saturation balistique, asymétrie territoriale, proxies numériques


L’Iran, en l’absence de capacité ISR indépendante, a misé sur une stratégie de saturation (plus de 300 drones et missiles balistiques lancés), combinée à une utilisation de relais proxys (Hezbollah, Houthis) et une campagne de guerre cognitive activée via Telegram, Instagram, TikTok , avec relais communautaires en diaspora. La portée stratégique de cette offensive repose moins sur la létalité que sur la démonstration de dissuasion par le volume et la guerre psychologique.



III. Les angles morts de l’Union européenne dans la conflictualité techno-hybride


1. Une Europe aveugle en orbite : absence de constellation militaire ISR souveraine


Ni Galileo ni Copernicus n’offrent des capacités militaires d’observation en temps réel. L’UE reste dépendante des satellites commerciaux (Maxar, Airbus Geo, Capella Space) ou de relais diplomatiques américains. En cas de divergence stratégique (comme ce fut le cas en Syrie ou au Sahel), cette dépendance empêche toute autonomie d’évaluation, d’anticipation ou de riposte concertée.


2. Une vulnérabilité cybernétique chronique et une absence de doctrine intégrée


Le conflit a été accompagné de cyberattaques multiples sur les relais diplomatiques, les ambassades occidentales, et les institutions financières. L’absence de commandement cyber européen intégré, et le cloisonnement des CERT nationaux, empêche toute réponse collective. De plus, les infrastructures critiques (énergie, aéroports, données médicales) restent vulnérables aux ransomwares.


3. Une guerre de l’information sans contre-feu européen


Des récits alternatifs ont circulé sur les réseaux européens, relayant des versions pro-iraniennes ou remettant en cause les représailles israéliennes. Aucun mécanisme de contre-narratif rapide n’a été activé au niveau communautaire. L’UE ne dispose toujours pas d’un Centre de contre-ingérence cognitive capable d’identifier, cartographier et neutraliser les flux toxiques en situation de crise.



IV. Recommandations stratégiques du CESS


1. Créer une constellation militaire européenne ISR duale (civile-militaire)

• Lancer une constellation à visée stratégique couplant optique, radar et infrarouge, avec transmission cryptée en temps réel ;

• Associer l’ESA, le SEAE et l’EU Space Surveillance pour centraliser la gestion opérationnelle ;

• Prévoir un volet de coopération avec les forces armées européennes via l’Agence européenne de défense.


2. Déployer un Commandement spatial et cyber intégré européen

• Fusionner les entités cyber existantes sous une doctrine unique de réponse, surveillance et coordination numérique ;

• Créer un QG de guerre hybride incluant l’espace exo-atmosphérique, la couche satellitaire basse (LEO) et les infrastructures au sol ;

• Financer un cloud militaire souverain européen pour sécuriser les données de défense.


3. Instaurer un Centre européen de veille et de contre-ingérence cognitive

• Cartographier en temps réel les campagnes de désinformation transnationales ;

• Mettre en place des cellules de riposte narrative, connectées aux plateformes et relais médiatiques ;

• Protéger les communautés vulnérables aux récits manipulatoires via un programme de résilience cognitive européen.


4. Renforcer l’industrie de défense technologique européenne

• Créer un fonds souverain de 100 milliards d’euros dédié à la souveraineté industrielle technologique stratégique (composants, IA, satellites, cybersécurité) ;

• Prioriser la réinternalisation des capacités critiques (semi-conducteurs, composants optiques, systèmes de propulsion orbitale) ;

• Sanctionner les dépendances systémiques via un mécanisme de screening technologique extraterritorial.



V. En définitive, voir, comprendre, agir : refonder la souveraineté européenne dans l’âge de la techno-confrontation


L’Europe ne peut plus continuer à dépendre de puissances extérieures pour observer les conflits, décrypter les signaux faibles ou sécuriser ses flux stratégiques. La guerre Iran–Israël démontre que la souveraineté n’est plus une abstraction diplomatique, mais une capacité algorithmique, orbitale et cognitive.


Faute d’une réponse rapide, cohérente et institutionnalisée, l’Union européenne s’expose à demeurer une périphérie stratégique dans un monde dominé par des puissances techno-souveraines. Le Centre Européen de Sécurité et de Stratégie appelle à une rupture : celle d’un réarmement stratégique dans les domaines invisibles de la puissance , satellite, data, cyber, narration.


Ce n’est pas la prochaine guerre qui exigera cette mutation. C’est la présente.


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