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Gouvernance spatiale : pour une doctrine européenne face au vide juridique orbital


Le rôle de l'espace dans les plans de relance européen et nationaux; les télécommunications publiques sécurisées en Europe; la résilience et les chaînes de valeur critiques;
La 13e Conférence spatiale européenne, organisée par le Parlement européen, la Commission européenne, l'Agence spatiale européenne et Business Bridge Europe, s'est tenue virtuellement les 12 et 13 janvier, avec la participation du haut représentant de l'UE, Josep Borrell.

Dans un contexte où l’espace devient simultanément un marché, un champ de bataille et un environnement stratégique critique, l’Union européenne ne peut se limiter à une posture d’acteur passif dans l’élaboration des normes et des régulations orbitales. L’absence de doctrine cohérente en matière de gouvernance spatiale constitue une faiblesse structurelle pour une Europe qui prétend à la souveraineté stratégique. Or, dans un théâtre où la règle est de plus en plus façonnée par ceux qui agissent vite et fort, l’inaction normative équivaut à une perte de contrôle politique sur une dimension-clé de la puissance.


Depuis le traité de l’espace de 1967, obsolète sur de nombreux points, la gouvernance spatiale internationale repose sur des principes généraux : non-appropriation des corps célestes, usage pacifique de l’espace, responsabilité des États pour les activités menées par leurs acteurs publics ou privés. Pourtant, ces principes sont mis à l’épreuve par des dynamiques contemporaines : prolifération des constellations commerciales, militarisation rampante, risques accrus de collisions, absence de mécanismes de régulation des débris, ou encore exploitation future des ressources spatiales.


Face à cette anarchie croissante, les États-Unis et la Chine avancent leurs pions. Les premiers, via les accords Artemis, tentent d’imposer une gouvernance bilatérale de facto fondée sur des règles américaines ; les seconds, par leur programme spatial national centralisé, contournent le cadre multilatéral. L’Europe, quant à elle, reste prisonnière d’un entre-deux : forte d’un savoir-faire scientifique et technologique, mais encore marginale dans les grands débats de régulation orbitale.


L’Union européenne doit impérativement affirmer une doctrine propre de gouvernance spatiale, qui réponde à trois objectifs : la préservation de la sécurité de ses actifs, la défense d’un modèle de coopération fondé sur le droit, et la protection de ses intérêts stratégiques dans un environnement devenu politiquement compétitif. Cela passe par une consolidation de sa voix au sein des enceintes multilatérales (UNOOSA, COPUOS), mais aussi par la définition d’un cadre réglementaire européen pour l’exploitation de l’orbite terrestre basse, la gestion des constellations et la régulation des comportements responsables dans l’espace.


La mise en place d’une agence européenne de supervision orbitale, associant la Commission, l’ESA et les opérateurs nationaux, permettrait d’unifier les règles d’enregistrement, de lancement, de désorbitation, et de sécurité technique des satellites européens. Elle permettrait aussi de faire pression, par le soft power réglementaire, sur les acteurs extra-européens désireux d’accéder au marché spatial européen.


La gouvernance spatiale ne se limite plus à la diplomatie scientifique ou à la coopération technologique. Elle est devenue un instrument de projection d’influence, un outil de contrôle économique, et une condition de sécurité collective. Sans cadre juridique structuré, la souveraineté orbitale européenne reste une façade technique dépourvue de colonne vertébrale politique.


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