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Cyberguerre silencieuse : APT 28, la menace russe sur la France et l’Europe

Tribune stratégique du Centre Européen de Sécurité et de Stratégie (CESS)

Avril 2025


Dans le brouillard opaque de la cyberguerre moderne, certaines signatures reviennent avec une régularité presque glaçante. Celle d’APT 28, aussi connu sous le nom de Fancy Bear, en fait incontestablement partie. Récemment pointé du doigt par les autorités françaises comme acteur principal d’une campagne d’espionnage d’ampleur ciblant plusieurs ministères, institutions publiques, centres de recherche et infrastructures critiques, ce groupe est loin d’être un acteur marginal du cyberespace.
La guerre entre la Russie et l’Ukraine n’est pas que militaire. Elle se joue aussi dans le monde numérique, avec des répercussions concrètes et un danger bien réel pour la France

Dans le brouillard opaque de la cyberguerre moderne, certaines signatures reviennent avec une régularité presque glaçante. Celle d’APT 28, aussi connu sous le nom de Fancy Bear, en fait incontestablement partie. Récemment pointé du doigt par les autorités françaises comme acteur principal d’une campagne d’espionnage d’ampleur ciblant plusieurs ministères, institutions publiques, centres de recherche et infrastructures critiques, ce groupe est loin d’être un acteur marginal du cyberespace. Lié au renseignement militaire russe (GRU), il opère avec méthode, précision et un objectif clair : affaiblir les démocraties européennes de l’intérieur, non pas en déclenchant des conflits ouverts, mais en infiltrant silencieusement les réseaux, en récoltant l’intelligence stratégique, en perturbant les chaînes décisionnelles et en sapant la confiance dans les institutions. À ce titre, les actions menées par APT 28 relèvent sans ambiguïté de l’ingérence étrangère, au sens le plus politique, le plus systémique et le plus dangereux du terme.


La menace qu’il incarne n’est pas nouvelle, mais elle connaît aujourd’hui un regain d’intensité préoccupant. Ce n’est pas un hasard si la France, en particulier, se trouve dans le viseur. La posture géopolitique assumée par Paris — à la fois soutien résolu à l’Ukraine face à l’agression russe, promoteur d’une autonomie stratégique européenne et défenseur actif de la souveraineté numérique — fait de notre pays une cible privilégiée pour les opérations hybrides conduites depuis Moscou. Ces actions n’ont rien de ponctuel ; elles s’inscrivent dans un continuum d’agressions numériques et d’actes d’ingérence hostiles visant à fragiliser les équilibres internes, à sonder les failles, à influencer les orientations stratégiques et à préparer des offensives futures dont la nature pourrait être à la fois politique, économique, sociale et, dans certains cas, directement opérationnelle.


Il ne s’agit plus seulement de collecter des informations sensibles, mais de pré-positionner des accès dormants dans les systèmes, de manipuler les flux d’information, de tester la robustesse des défenses numériques et d’injecter, insidieusement, des récits destinés à diviser l’opinion ou à discréditer les autorités publiques. Nous faisons face à une stratégie de long terme, qui mêle guerre de l’information, sabotage potentiel, déstabilisation systémique, guerre cognitive et interférences délibérées dans les affaires intérieures des États membres de l’Union. Autrement dit, une ingérence étrangère structurée, planifiée, instrumentalisée par un État tiers au service d’un projet d’affaiblissement géopolitique.


Face à cette menace, l’Europe ne peut plus se contenter d’être spectatrice ni se réfugier dans le confort de la réaction tardive. Il devient impératif d’admettre que le cyberespace constitue désormais un véritable champ de bataille stratégique, sur lequel les États hostiles, comme la Russie, déploient des moyens considérables et poursuivent des objectifs géopolitiques assumés. L’attaque d’aujourd’hui n’est que le symptôme d’une guerre bien plus vaste, où la frontière entre paix et conflit est volontairement brouillée, et où les acteurs non-étatiques, souvent téléguidés, deviennent les bras armés d’une conflictualité moderne.


Le Centre Européen de Sécurité et de Stratégie appelle solennellement à une réponse concertée, rapide et ambitieuse. Il ne s’agit pas simplement d’ériger des pare-feux ou de publier des alertes techniques, mais de bâtir une doctrine européenne de cybersécurité à la hauteur des défis présents, fondée sur une stratégie de dissuasion numérique crédible, une interopérabilité renforcée entre États membres, une culture commune de la résilience, et une capacité offensive en cas d’agression répétée. La réponse doit également être démocratique : elle doit passer par la sensibilisation des citoyens, par l’éducation à la sécurité numérique, par l’implication active des collectivités, des entreprises, des universités et des médias, pour que chaque maillon de la société devienne un acteur conscient de sa propre protection.


APT 28 n’est pas un cas isolé. Il est le symptôme d’une transformation profonde de la conflictualité mondiale. Ce groupe, et d’autres qui opèrent dans son sillage, n’agissent pas dans l’ombre par hasard, mais parce que l’absence de riposte claire leur laisse toute latitude pour prospérer. Il est temps que l’Europe, et en son sein la France, prennent la pleine mesure de cette guerre silencieuse. Car dans ce combat sans missiles ni uniformes, chaque vulnérabilité exploitée est une victoire ennemie. Et chaque retard à agir est une défaite programmée.


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