De la démocratie civique à la souveraineté stratégique : pour une Europe des citoyens éclairés
- Thierry-Paul Valette
- il y a 13 heures
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Par Thierry-Paul Valette
Fondateur du Centre Européen de Sécurité et de Stratégie
Mai 2025
La tribune qui suit revient sur un moment structurant du parcours européen de Thierry-Paul Valette : sa participation, en mars 2025, au Parlement européen à Bruxelles, au 3ᵉ Congrès du mouvement citoyen EUMANS, animé par l’ancien député européen Marco Cappato.
Ce mouvement, résolument engagé dans la promotion de la démocratie participative et des droits fondamentaux, se situe à première vue en dehors du champ traditionnel de la stratégie sécuritaire. Pourtant, cette rencontre a mis en lumière une vérité centrale, trop souvent sous-estimée dans les milieux institutionnels : il ne peut y avoir de souveraineté stratégique sans résilience démocratique, ni de sécurité durable sans ancrage civique transnational.
À travers ce dialogue avec Marco Cappato, une évidence s’est imposée : les menaces contemporaines – ingérences informationnelles, manipulations numériques, attaques contre les récits publics – ne visent pas uniquement nos frontières, mais nos esprits, nos institutions, nos modèles démocratiques eux-mêmes. Et c’est à ce niveau que la stratégie européenne doit évoluer.
Le Centre Européen de Sécurité et de Stratégie (CESS) est né de cette prise de conscience. Il s’inscrit dans une démarche complémentaire à celle de mouvements comme EUMANS, en ajoutant la dimension stratégique, sécuritaire et souveraine à cette énergie démocratique transnationale. Le CESS entend agir là où les menaces sont diffuses : dans l’espace informationnel, dans la société civile, dans les failles invisibles de la souveraineté cognitive européenne.
Cette tribune retrace ce moment fondateur. Elle affirme une conviction : l’Europe de demain ne pourra être protégée que si elle sait associer les forces vives de sa société civile aux exigences de sa sécurité globale.

Bruxelles, point d’inflexion
Il y a des moments dans un parcours qui ne relèvent ni du hasard, ni de l’agenda. Des instants qui relient l’intime à l’histoire en cours, la conviction à l’institution. Ce fut le cas en mars 2025, lorsque j’ai eu l’honneur de participer au 3ᵉ Congrès du mouvement EUMANS, au Parlement européen, aux côtés de Marco Cappato — ancien député européen, militant infatigable des droits fondamentaux, et figure majeure du dialogue démocratique transnational.
À cette date, le Centre Européen de Sécurité et de Stratégie (CESS) n’était pas encore né. Mais l’idée, elle, prenait forme. En écoutant les débats, en observant les mécanismes de proposition citoyenne transversale, en voyant comment l’Europe pouvait s’ouvrir à des paroles non étatiques mais structurées, j’ai compris qu’il y avait une place à prendre — une place légitime, indispensable : celle d’une société civile stratégique, capable de peser dans les choix géopolitiques, de résister aux ingérences, et de prolonger le souffle démocratique européen au-delà des slogans.
EUMANS, un souffle transnational
EUMANS n’est pas un parti, ni une simple ONG. C’est un mouvement citoyen européen, une plateforme de propositions, une matrice d’action politique horizontale. Il relie la démocratie participative aux instruments concrets de l’Union : pétitions, initiatives citoyennes, interpellations parlementaires.
Sous l’impulsion de Marco Cappato, EUMANS propose une autre façon de faire de la politique européenne : une politique de la mobilisation consciente, de l’expertise citoyenne, de la démocratie délibérative. Cela m’a profondément interpellé. Car au fond, ce que propose EUMANS, c’est ce que l’Europe a évité pendant trop longtemps : le dialogue entre institutions et conscience civique stratégique.
Ce dialogue ne doit pas être laissé aux seuls diplomates, ni aux acteurs formels. Il doit être investi par des citoyens formés, engagés, capables de penser la sécurité, la souveraineté, et les équilibres géopolitiques à partir d’une expérience réelle — pas seulement à partir de doctrines abstraites.
Du vécu social à la stratégie européenne
Mon parcours est connu : engagement dans les mouvements sociaux, mobilisation citoyenne, confrontation avec la manipulation informationnelle. J’ai vu la fracture démocratique de l’intérieur, j’ai compris comment certaines colères pouvaient être instrumentalisées, comment certains récits pouvaient être retournés contre les institutions elles-mêmes, souvent avec des soutiens extérieurs invisibles.
C’est ce double regard, celui de l’engagé de terrain et de l’observateur stratégique, qui m’a poussé à fonder le CESS, quelques mois après cette rencontre fondatrice avec EUMANS.
Le CESS n’est pas un think tank parmi d’autres. C’est un espace civique de réflexion stratégique, indépendant, européen, et résolument tourné vers la défense de la souveraineté cognitive, informationnelle et géopolitique de l’Europe. Nous travaillons sur l’ingérence étrangère, la désinformation, la résilience démocratique, la sécurité numérique, les menaces hybrides.
Mais nous ne le faisons pas à huis clos. Nous le faisons en lien avec les institutions, avec les missions diplomatiques, avec les parlementaires, et surtout : avec la conscience que la sécurité ne se décrète pas, elle se construit avec les peuples.
Appel à une alliance européenne civique et stratégique
C’est pourquoi je considère qu’il y a une convergence naturelle entre des structures comme EUMANS et des centres comme le nôtre. Nous venons d’horizons différents, mais nous portons le même besoin : repolitiser l’Europe avec exigence, faire émerger une génération d’acteurs civiques capables de dialoguer avec les institutions sans se dissoudre dans le jeu des appareils.
Je crois en une Europe souveraine, mais cette souveraineté ne se limite pas à la Défense ou au numérique. Elle inclut la maîtrise de son récit, de sa démocratie, de sa parole collective. Elle suppose de protéger l’espace public européen contre les agressions informationnelles, contre les récits toxiques, contre les interférences externes — mais aussi contre le cynisme, l’indifférence, l’abandon des citoyens éclairés.
Le CESS se tient prêt à coopérer avec toutes les structures européennes qui partagent cette vision. Et je renouvelle, à travers cette tribune, ma volonté d’ouvrir un dialogue structuré avec EUMANS, Marco Cappato, et les parlementaires européens concernés, afin de poser ensemble les fondations d’un forum stratégique civique, à Bruxelles, capable de réunir expertise, expérience, et volonté d’agir.
La stratégie du lien
L’Europe ne se défendra pas seule.
Elle ne tiendra que si ceux qui la vivent s’en saisissent.
Il ne suffit pas de défendre ses frontières : il faut défendre son intelligence, sa mémoire, sa démocratie, sa volonté collective.
C’est à cela que s’engage le Centre Européen de Sécurité et de Stratégie.
C’est dans cette direction que je tends la main, avec lucidité et confiance, à celles et ceux, comme Marco Cappato et EUMANS, qui savent que la sécurité, sans démocratie, n’est qu’un mot vide.
Thierry-Paul Valette
Fondateur du Centre Européen de Sécurité et de Stratégie
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