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Surveillance orbitale : maîtriser l’espace, c’est d’abord le surveiller



Surveillance orbitale : maîtriser l’espace, c’est d’abord le surveiller
En 2021, le programme de surveillance et de suivi de l’espace de l’UE (EU SST) a été établi en tant que sous-composante de sécurité à part entière du programme spatial de l’UE (Space Situational Awareness ou SSA), créé par le Règlement (UE) 2021/696 du Parlement européen et du Conseil


Dans un environnement orbital saturé, militarisé, et de plus en plus contesté, la surveillance de l’espace (Space Situational Awareness – SSA) s’impose comme une condition préalable à toute forme de souveraineté stratégique. La capacité à détecter, caractériser et anticiper les objets en orbite, qu’il s’agisse de satellites civils ou militaires, de débris spatiaux, ou d’engins non identifiés, ne relève plus du confort technologique mais d’un impératif géopolitique vital. Pour l’Europe, il ne s’agit pas uniquement d’assurer la sécurité physique de ses constellations : il s’agit de comprendre, en temps réel, ce qui se joue dans les couches orbitales, afin d’être capable de dissuader, de protéger, voire de réagir.


Aujourd’hui, les capacités globales de surveillance orbitale sont dominées par les États-Unis, via leur réseau CSpOC (Combined Space Operations Center), qui partage certaines données avec ses alliés, mais sans transparence totale ni garantie de neutralité stratégique. La Chine développe en parallèle un réseau autonome d’observation spatiale, associé à ses ambitions duales. L’Union européenne, quant à elle, reste dépendante de systèmes fragmentés, peu interopérables, et inégalement répartis entre les États membres. Bien que le programme européen EUSST (EU Space Surveillance and Tracking) ait permis des avancées, notamment par le biais du SSA Framework de l’ESA, les capacités européennes demeurent insuffisantes face à la densité croissante du trafic orbital et à la complexité des menaces.


La multiplication des satellites, y compris de micro-constellations civiles non déclarées, des manœuvres furtives de certains satellites militaires, et l’apparition d’engins orbitaux capables d’approcher, manipuler ou neutraliser d’autres satellites (co-orbital threats), imposent un changement de paradigme : l’espace n’est plus un vide neutre, c’est un théâtre de mouvements permanents, potentiellement hostiles. Sans capacité de surveillance autonome, l’Europe devient aveugle dans un domaine stratégique dont dépendent ses communications militaires, ses opérations de renseignement, ses capacités de navigation, et ses instruments scientifiques.


La surveillance orbitale implique un effort multi-niveaux : radars terrestres à haute précision, télescopes optiques, stations de poursuite, fusion de données multisources, et développement d’algorithmes d’intelligence artificielle pour interpréter les comportements spatiaux anormaux. Mais elle suppose surtout une volonté politique d’ériger la SSA en pilier de la sécurité collective européenne. Cela pourrait passer par la création d’un centre européen de commandement spatial, associé à une base de données centralisée des objets en orbite, et couplé à un service d’alerte stratégique pour les autorités civiles et militaires des États membres.


À l’heure où des puissances adverses investissent massivement dans le camouflage orbital et les opérations asymétriques dans l’espace, ne pas voir, ou voir trop tard, revient à s’exposer. La souveraineté ne commence pas par la réaction : elle commence par la connaissance. Et dans l’espace, la connaissance passe par la surveillance permanente, intégrée, et souveraine.

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