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Analyse du mouvement “Les Essentiels” et de l'appel au 10 septembre 2025, risques de déstabilisation interne, guerre informationnelle et menace potentielle d’ingérence étrangère

NOTE STRATÉGIQUE

Centre Européen de Sécurité et de Stratégie (CESS)

Juillet 2025

Depuis plusieurs semaines, un mouvement surgit sur les réseaux sociaux sous le nom de “Les Essentiels”. Dépourvu de toute structure déclarée, d’organigramme connu ou de figure publique visible,
Analyse du mouvement “Les Essentiels” et de son appel au 10 septembre 2025 — Risques de déstabilisation interne, guerre informationnelle et menace potentielle d’ingérence étrangère dans le cadre français et européen

Préambule - Parole du fondateur du CESS


En tant qu’ancienne figure publique des mouvements sociaux, notamment des Gilets Jaunes, j’ai connu de l’intérieur les dynamiques de colère, d’engagement spontané, de défi institutionnel. J’ai pris part à ces mobilisations avec sincérité, lucidité et, souvent, avec le sentiment profond d’un combat nécessaire pour la justice sociale et la dignité démocratique.


Mais c’est justement parce que j’ai vécu ces mouvements de l’intérieur que je mesure aujourd’hui la différence fondamentale entre une contestation authentique et une mobilisation sans visage, sans voix, sans responsabilité assumée. Le mouvement “Les Essentiels” ne ressemble pas à une révolte, mais à une forme d’influence virale déguisée, qui joue sur les apparences d’une indignation populaire pour mieux dissimuler ses ressorts.


Derrière cette façade de simplicité, il y a des méthodes, des financements, des stratégies de diffusion. Et une absence totale d’incarnation. Cette dynamique doit nous alerter — non parce qu’elle dérange, mais parce qu’elle pourrait bien être instrumentalisée par des forces extérieures à la démocratie elle-même.


À travers cette note, le Centre Européen de Sécurité et de Stratégie souhaite alerter les institutions françaises et européennes sur une nouvelle forme de menace hybride : celle qui ne porte pas de masque… parce qu’elle ne porte plus de visage.


Thierry-Paul Valette

Fondateur du Centre Européen de Sécurité et de Stratégie (CESS)



Un nouveau front de la déstabilisation intérieure


Depuis plusieurs semaines, un mouvement surgit sur les réseaux sociaux sous le nom de “Les Essentiels”. Dépourvu de toute structure déclarée, d’organigramme connu ou de figure publique visible, il diffuse un message simple, visuellement épuré mais stratégiquement ambigu : un appel au “retrait général” de la vie sociale le 10 septembre 2025. Derrière cette injonction symbolique et apparemment pacifique, c’est un appel implicite à l’arrêt du pays qui est lancé, dans un langage soigneusement travaillé pour échapper à la qualification d’appel à la révolte. Ce mouvement, en apparence apolitique, s’inscrit en réalité dans une logique de guerre informationnelle contemporaine : horizontale, émotionnelle, virale, désincarnée.


Ce qui distingue “Les Essentiels” des mobilisations classiques, ce n’est pas seulement leur virulence ou leur visibilité soudaine, mais leur caractère profondément insaisissable. Aucun visage, aucune revendication explicite, aucun leader, mais une stratégie visuelle et narrative bien maîtrisée, une mécanique de viralité efficace, et surtout, une posture anti-institutionnelle ambiguë qui pourrait permettre, en quelques semaines, de faire émerger une contestation structurée, capable de déstabiliser les équilibres sociaux et politiques.


Cette note stratégique vise à analyser en profondeur ce phénomène à travers cinq prismes : l’architecture du discours, les formats de mobilisation employés, les cibles idéologiques, les risques d’ingérence étrangère, et les réponses à apporter par l’État français et ses partenaires européens.



I. Une rhétorique de rupture sous couvert d’unité


L’efficacité du mouvement repose sur une rhétorique construite autour d’un champ lexical consensuel : “retrouver du sens”, “se recentrer sur l’essentiel”, “refuser la société de consommation”, “reprendre sa liberté”. En surface, rien de subversif. Mais derrière cette façade apaisante, on retrouve tous les codes classiques du discours de rupture : critique de l’État, rejet des élites, appel à la déconnexion des institutions, désobéissance silencieuse.


Ce langage, inspiré des rhétoriques post-politiques, présente l’intérêt stratégique d’agréger des publics variés – des antivaccins aux décroissants, des écologistes radicaux aux conservateurs désabusés, des souverainistes aux libertaires – sans jamais énoncer de revendication explicite. C’est une stratégie du “point de jonction” : créer un espace commun à des sensibilités qui ne partagent pas nécessairement une analyse, mais un ressentiment. En refusant toute idéologie, le mouvement se rend idéologiquement disponible.


Ce flottement sémantique est au cœur de son efficacité. Il permet au discours de circuler librement, sans contradiction, tout en véhiculant un message profondément politique : celui d’un rejet du cadre institutionnel, d’un doute généralisé envers la légitimité démocratique, et d’un désir de retour à une forme d’autonomie sociale radicale.



II. Une stratégie de visibilité algorithmique


La mobilisation “Les Essentiels” repose sur une logique algorithmique éprouvée. Elle se diffuse principalement via TikTok, Instagram, Telegram et Twitter (X), en exploitant les mécanismes de propagation émotionnelle. Le format des vidéos, très court, utilise des visuels forts, des musiques évocatrices, une esthétique douce mais marquante. L’appel à la “paralysie pacifique” est décliné en slogans simplifiés, souvent repris sur fond de paysages naturels ou de scènes de vie quotidienne. L’objectif est de produire une forme de propagande douce, moins frontale que les appels à la révolution, mais bien plus difficile à contredire ou à dénoncer publiquement.


La diffusion suit les techniques classiques de la guerre cognitive : désintermédiation, viralité horizontale, refus de l’autorité, effet de masse mimétique. Les influenceurs qui reprennent ces vidéos ne sont pas des militants politiques, mais des visages familiers du quotidien, souvent dépolitisés, ce qui donne au message un supplément de crédibilité. L’appel au retrait général n’apparaît plus comme une rupture politique, mais comme un acte d’hygiène mentale, une reconquête de l’essentiel.


Ce brouillage est intentionnel. Il permet au mouvement d’échapper aux radars traditionnels de la contestation tout en suscitant un engagement émotionnel massif. Cette stratégie algorithmique, déjà observée dans les mobilisations anti-système de ces dernières années, permet de faire monter une pression sociale sans aucune structuration visible, ce qui constitue une menace grave pour la stabilité institutionnelle.



III. Une hostilité masquée au projet européen


Sous ses dehors apolitiques, le discours des “Essentiels” véhicule une charge hostile contre l’Union européenne. Plusieurs vidéos dénoncent “les traités qui nous empêchent de respirer”, “les décisions venues d’ailleurs”, ou encore “le pouvoir des non-élus”. Sans jamais citer nommément l’Europe, le mouvement reprend tous les éléments de langage classiques du Frexit soft : rejet de Bruxelles, dénonciation de la technocratie, évocation d’une souveraineté perdue.


Ce positionnement n’est pas anodin. En ciblant indirectement l’Union européenne, le mouvement s’inscrit dans une dynamique plus large de remise en cause des alliances multilatérales. Il devient ainsi perméable aux narratifs hostiles à l’Europe portés par des puissances étrangères comme la Russie, qui depuis 2014 s’emploient à affaiblir la cohésion européenne en soutenant les discours souverainistes. Ce flou idéologique rend le mouvement extrêmement vulnérable à la manipulation, y compris de l’intérieur.


L’hostilité envers l’Europe, quand elle est dissimulée sous les oripeaux de l’humanisme, devient une arme redoutable. Car elle échappe à la contradiction et peut s’infiltrer dans toutes les couches de la société, y compris celles qui, en temps normal, ne se reconnaîtraient pas dans un discours de rupture. C’est cette capacité à rendre l’euroscepticisme aimable qui fait du mouvement une menace profonde.



IV. La structure invisible : une architecture du soupçon


Ce qui rend cette dynamique encore plus préoccupante, c’est l’anonymat absolu qui la structure. Le mouvement ne revendique aucune organisation, aucun collectif, aucune personnalité, aucun référent identifiable. Il ne s’agit pas là d’un défaut de forme ou d’un oubli : cette absence est une tactique à part entière, pensée pour neutraliser la notion de responsabilité. En n’ayant ni visage ni voix, le mouvement devient insaisissable, inattaquable, invulnérable aux contradictions. Il se rend ainsi indétectable juridiquement, politiquement, et stratégiquement, ce qui constitue une forme inédite de manipulation démocratique.


Cet anonymat systémique ne protège pas les citoyens : il les expose. Car il empêche toute vérification, toute traçabilité, toute possibilité de distinguer une initiative nationale spontanée d’une opération d’influence structurée. Cacher son identité dans une campagne politique de grande ampleur revient à manipuler l’opinion publique, en lui faisant croire à une horizontalité sincère là où il y a, en réalité, une verticalité dissimulée. Dès lors, ce type de mobilisation devient un terrain fertile pour toutes les ingérences informationnelles, qu’elles soient d’origine étrangère, militante ou algorithmique.



V. Une possible instrumentalisation étrangère


Le mode opératoire du mouvement “Les Essentiels” présente des analogies troublantes avec les tactiques d’ingérence informationnelle observées ces dernières années. Dans plusieurs pays européens, et notamment en France, des campagnes virales ont été initiées par des entités proches des intérêts russes, iraniens ou chinois, exploitant les fractures sociales pour délégitimer l’ordre démocratique. L’utilisation de slogans ambigus, la viralisation via TikTok, l’esthétique post-politique et la stratégie de l’anonymat absolu constituent des éléments d’alerte.


Rien ne permet à ce jour d’attribuer formellement l’initiative à une puissance étrangère. Mais les conditions sont réunies pour qu’un tel mouvement serve de caisse de résonance à des intérêts extérieurs. Le contexte géopolitique est propice : guerre en Ukraine, tensions croissantes autour de Taïwan, compétition informationnelle mondiale. Toute fragilisation d’un pays européen est perçue, par certains régimes autoritaires, comme un levier de puissance indirecte.


Le mouvement “Les Essentiels”, en appelant à une forme de paralysie sociale, pourrait constituer une opportunité idéale pour des acteurs de la déstabilisation informationnelle. C’est pourquoi il doit être suivi avec la plus grande attention, et analysé comme un vecteur potentiel d’influence étrangère hostile.



VI. Que faire ? Vers une doctrine de vigilance démocratique


Face à ce type de mobilisation fluide, l’arsenal juridique classique montre ses limites. Il ne s’agit pas d’interdire un mouvement sans visage, mais de développer une doctrine d’anticipation et de vigilance démocratique, capable de détecter en amont les signaux faibles de déstabilisation.


Cette doctrine suppose plusieurs leviers d’action :

• Une veille renforcée sur les dynamiques virales, notamment sur les plateformes les plus perméables à la désinformation (TikTok, Telegram).

• Une analyse systémique des narratifs employés, afin de détecter les glissements sémantiques vers l’anti-européisme, la désobéissance institutionnelle ou l’appel à la rupture.

• Une cartographie des relais d’influence, incluant les micro-influenceurs, les comptes anonymes à forte viralité, et les interactions croisées avec d’autres mouvements structurés.

• Une coopération européenne accrue, pour mutualiser les outils d’analyse, croiser les bases de données, et anticiper les transpositions transfrontalières de ce type de mobilisation.

• Un appui stratégique aux acteurs de la société civile, afin de reconstruire des espaces de débat structurés, rationnels et pluralistes face aux propagandes émotionnelles déstabilisatrices.



Pour terminer, une alerte stratégique à ne pas négliger


Le mouvement “Les Essentiels” n’est pas, en soi, une insurrection. Mais il en présente tous les germes : viralité hors cadre, discours de rupture soft, désignation implicite d’un ennemi abstrait, et stratégie d’invisibilisation des sources. Dans un contexte de tensions sociales persistantes, d’inflation démocratique et de crise de sens collective, ce type de mobilisation peut devenir, en quelques jours, un catalyseur de fracture nationale.


Le Centre Européen de Sécurité et de Stratégie (CESS) alerte donc les pouvoirs publics, les organes de veille et les partenaires européens sur les risques induits par ce type de dynamique virale dépolitisée. Derrière la façade bienveillante d’un appel au retrait se dissimule un archétype de la guerre informationnelle moderne, qui conjugue l’illusion de la liberté au service d’une stratégie de neutralisation démocratique.


Il est impératif que les institutions françaises et européennes prennent la mesure de cette nouvelle génération de menaces hybrides, et développent des réponses à la hauteur des enjeux : agiles, anticipatrices, collectives. Car ce qui est en jeu ici, ce n’est pas un simple appel à la pause sociale, mais la capacité de nos sociétés à ne pas se laisser capturer par des narratifs sans source, sans visage, et sans responsabilité.



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