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Iran, Russie, Chine : la guerre de l’information frappe au cœur de l’Europe

Dernière mise à jour : 13 juil.

Tribune – Juillet 2025

Par Thierry-Paul Valette, fondateur du Centre Européen de Sécurité et de Stratégie (CESS)

Iran, Russie, Chine : la guerre de l’information frappe au cœur de l’Europe
L’Europe est donc cernée. Elle est le théâtre d’une guerre non conventionnelle, menée sans armée visible, mais avec des armes de masse psychologique

Le second semestre 2025 s’est ouvert dans un climat géopolitique saturé de tensions visibles… et invisibles. Tandis que l’Union européenne tente de préserver son unité face aux conflits ouverts aux frontières de son continent, un autre champ de bataille se renforce chaque jour : celui de la guerre informationnelle. Cette guerre n’est ni déclarée ni reconnue officiellement, mais elle est menée, sans relâche, contre les démocraties européennes, avec une précision méthodique et une stratégie assumée.


Selon le dernier rapport conjoint du European External Action Service (EEAS) et de l’EU DisinfoLab, publié le 27 juin 2025, plus de 3 800 contenus coordonnés liés à l’appareil d’influence iranien ont été détectés depuis avril, visant les opinions publiques de six États membres, avec une recrudescence en France, en Belgique et en Allemagne. Ces opérations s’appuient sur une mécanique bien rodée : infiltration de réseaux sociaux, relais sur Telegram, diffusion de vidéos montées avec des éléments de désinformation mixés à des images authentiques de conflits. La propagande se fait fluide, multilingue, pseudo-journalistique. Et elle vise directement les failles de l’opinion publique : conflits identitaires, postures anti-occidentales, récits de victimisation fabriqués.


En parallèle, la Russie a réactivé plusieurs cellules de guerre cognitive, selon les révélations du Cyber Defence Centre of Excellence de l’OTAN en date du 20 juin. Plus de 2,6 millions d’interactions malveillantes ont été enregistrées sur des thématiques énergétiques et climatiques, avec des pics lors des mobilisations contre la réforme verte de la Commission. L’objectif est clair : affaiblir la légitimité des institutions européennes, décrédibiliser les politiques publiques, et détourner l’attention vers des récits alternatifs diffusés par des figures d’influence se présentant comme “experts indépendants”, mais dont les connexions sont désormais prouvées avec des relais pro-Kremlin.


La Chine, quant à elle, affine sa stratégie. Moins brutale, plus diffuse, elle développe depuis le printemps une diplomatie culturelle numérique offensive, notamment via TikTok et WeChat, où des capsules pro-Pékin sont diffusées par des micro-influenceurs basés en Europe. L’enquête du New York Times du 5 juillet 2025 détaille les liens financiers entre certaines agences européennes de communication et des acteurs chinois proches du ministère de la Propagande.


L’Europe est donc cernée. Elle est le théâtre d’une guerre non conventionnelle, menée sans armée visible, mais avec des armes de masse psychologique : récits, images, commentaires automatisés, influenceurs fictifs, campagnes virales dopées à l’intelligence artificielle. L’arsenal est numérique, mais les effets sont politiques.


Pourtant, la réponse européenne demeure largement insuffisante. Le Digital Services Act, en vigueur depuis un an, a certes permis des avancées. Mais il ne permet pas une action rapide et centralisée face à des campagnes offensives coordonnées. Les plateformes, bien qu’obligées de publier des rapports de transparence, restent réticentes à suspendre en temps réel les comptes orchestrant des campagnes de désinformation étrangère. Dans les faits, les contenus identifiés comme malveillants peuvent rester visibles pendant 72 heures, largement le temps d’influencer une actualité brûlante ou de polariser un débat.


Au sein même de l’Union, les divergences persistent. Certains États membres freinent encore la montée en puissance d’une doctrine commune de sécurité informationnelle, au nom de la souveraineté nationale. Pendant ce temps, les attaques s’intensifient. Le GLOBSEC Threat Report 2025 prévient : à l’approche des élections en Slovaquie, Pologne et Espagne, le niveau de menace informationnelle est classé “critique”, avec un risque de déstabilisation des scrutins par manipulation algorithmique ou deepfakes ciblés.


Il est devenu impératif d’abandonner la logique de réaction et de passer à une doctrine de dissuasion. Cela implique la reconnaissance officielle, au sein de l’Union comme de l’OTAN, que la guerre informationnelle constitue une forme d’hostilité stratégique. Cela implique aussi un investissement massif dans la détection en temps réel, la coopération intergouvernementale, le soutien aux acteurs civils, journalistes, chercheurs, fact-checkeurs, associations, qui, en première ligne, résistent à cette guerre invisible.


La résilience européenne ne peut plus reposer sur la seule vigilance institutionnelle. Elle exige un écosystème, une culture de défense de l’information, une alliance stratégique entre États, plateformes et société civile. Il ne s’agit plus seulement de protéger les élections : il s’agit de défendre un espace mental, un lien démocratique, une capacité collective à discerner le réel dans un monde saturé de simulacres.


Ce n’est pas un sujet secondaire. C’est le cœur de la sécurité européenne du XXIe siècle.

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