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L’Europe sociale ne sera pas souveraine sans sécurité

Pour une résilience stratégique à l’échelle du continent

Tribune de Thierry-Paul Valette, fondateur du Centre Européen de Sécurité et de Stratégie (CESS)



Pour une résilience stratégique à l’échelle du continent. Tribune de Thierry-Paul Valette, fondateur du Centre Européen de Sécurité et de Stratégie (CESS)
Pour une résilience stratégique à l’échelle du continent. Tribune de Thierry-Paul Valette, fondateur du Centre Européen de Sécurité et de Stratégie (CESS)


Bruxelles, mai 2025,

À l’heure où l’Union européenne tente de réconcilier justice sociale et intégration stratégique, il est une évidence trop longtemps négligée : aucun projet social européen ne peut prospérer durablement sans architecture de sécurité robuste, sans cohésion stratégique, sans protection effective contre les forces qui minent le lien démocratique de l’intérieur.


J’ai eu l’honneur de représenter le Centre Européen de Sécurité et de Stratégie (CESS) aux Assises de l’Europe sociale, organisées le 12 mai au sein du Comité économique et social européen (CESE). Dans ce lieu de dialogue précieux entre les institutions de l’Union et la société civile organisée, j’ai pu mesurer à quel point les fractures sociales, la précarisation des opinions, la polarisation numérique et la désinformation ciblée ne sont plus des réalités périphériques, elles sont désormais des leviers d’attaque systémiques utilisés par des puissances étrangères ou des réseaux extrémistes, pour saper la stabilité des États européens.


Il ne s’agit plus simplement de défendre un modèle social : il s’agit de le protéger, activement, face à des menaces hybrides qui exploitent chaque faille économique, chaque faiblesse numérique, chaque ressentiment collectif.


Or, ce lien entre fragilité sociale et vulnérabilité stratégique reste trop souvent absent des discours institutionnels. Lorsque les tensions s’accumulent dans les quartiers abandonnés des grandes métropoles, lorsque les algorithmes de rage façonnent les perceptions politiques, lorsque les plateformes étrangères captent l’attention de nos jeunesses sans filtre ni souveraineté, ce n’est pas simplement un enjeu de justice ou de régulation, c’est une faille de sécurité collective.


Les puissances adverses l’ont bien compris. La Russie, par ses campagnes de désinformation, a su exacerber les divisions sociales internes de nombreux pays européens. La Chine, via ses outils numériques, infiltre nos marchés tout en véhiculant une vision autoritaire de l’ordre technologique. Des groupes extrémistes, enfin, utilisent les frustrations sociales pour alimenter les tensions communautaires et miner la confiance envers les institutions.


Face à cela, la société civile stratégique a un rôle décisif à jouer. Elle ne doit plus être reléguée au statut d’observateur ou de supplétif. Elle doit être écoutée, intégrée, soutenue. C’est précisément la vocation du Centre Européen de Sécurité et de Stratégie (CESS) : relier les acteurs de terrain, les chercheurs, les stratèges, les citoyens engagés autour d’une vision commune de la souveraineté démocratique. Et cette souveraineté ne se résume pas aux frontières extérieures : elle commence à l’intérieur, là où la défiance s’enracine, là où les fractures deviennent des brèches exploitables.


C’est pourquoi j’appelle, depuis Bruxelles, à l’émergence d’une nouvelle doctrine européenne de résilience stratégique, articulant enfin sécurité, souveraineté et justice sociale.


Cette doctrine ne pourra exister qu’à trois conditions :

• Reconnaître que les attaques hybrides passent aujourd’hui par la société elle-même, ses douleurs, ses divisions, ses déséquilibres ;

• Mettre en réseau les institutions de sécurité avec les acteurs sociaux, les territoires, les associations, les corps intermédiaires ;

• Investir dans une souveraineté démocratique, qui ne laisse ni l’espace informationnel, ni les infrastructures numériques, ni les récits collectifs sous influence extérieure.


L’Europe doit cesser de traiter séparément ses vulnérabilités internes et ses menaces externes. Elles ne sont que les deux faces d’un même enjeu : la capacité à tenir debout dans un monde incertain.


Le Centre Européen de Sécurité et de Stratégie (CESS), à travers sa participation aux Assises de l’Europe sociale au CESE, affirme sa volonté d’agir comme interface entre les institutions européennes et les forces vives de la société civile stratégique. Nous sommes disponibles pour contribuer aux réflexions à Bruxelles, pour initier des coopérations concrètes sur la désinformation, sur l’éducation à la sécurité numérique, sur la prévention des fractures exploitées par les ingérences.


Car si l’Europe veut rester un modèle, elle doit d’abord se protéger. Et si elle veut se protéger, elle doit commencer par comprendre que l’Europe sociale et l’Europe stratégique ne sont plus séparables.


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