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NOTE STRATÉGIQUE INTERNATIONALE : relations avec les Nations Unies

Préambule


Dans un monde en pleine reconfiguration géopolitique, technologique et informationnelle, le socle sur lequel reposaient les grandes institutions multilatérales vacille. Les crises ne se succèdent plus, elles se superposent. Elles ne s’annoncent plus par des signaux visibles, elles se déploient de manière diffuse, fragmentée, transversale. L’ordre international ne se disloque pas par effondrement brutal, mais par étouffement progressif. Ce ne sont plus uniquement les frontières physiques, les équilibres militaires ou les zones d’influence qui sont contestés, mais les imaginaires, les récits collectifs, la confiance dans les normes universelles et la capacité même des institutions à incarner la stabilité du droit et la continuité du dialogue entre les peuples.


Dans ce contexte troublé, les Nations Unies sont plus que jamais convoquées. Elles sont attendues comme garante d’une paix mondiale qui ne peut plus être pensée uniquement en termes de diplomatie classique ou de prévention des conflits armés. La paix, aujourd’hui, suppose la sécurité cognitive des citoyens, la stabilité démocratique des institutions, la résilience des systèmes d’information et la protection des sociétés contre les formes d’influence hostile qui contournent les armées pour s’attaquer directement à la conscience des peuples. Et pourtant, jamais le fossé entre les nouvelles menaces systémiques et la capacité des instances multilatérales à les comprendre, les nommer, les encadrer et les contrer n’a été aussi profond.


C’est dans cet interstice stratégique que le Centre Européen de Sécurité et de Stratégie entend se situer. Né d’une volonté d’anticipation, porté par une génération d’acteurs ancrés dans les réalités sociales, les mutations technologiques et les déséquilibres géopolitiques contemporains, le CESS se veut une force de proposition indépendante, rigoureuse, engagée pour une lecture renouvelée des menaces à la souveraineté démocratique des États. En croisant les approches géopolitiques, sociologiques, numériques et culturelles, en analysant les dynamiques d’influence, les risques de déstabilisation et les effets différenciés des campagnes de manipulation, le CESS s’est donné pour mission de renforcer la résilience stratégique des sociétés européennes, tout en contribuant à la stabilisation d’un ordre international fondé sur la vérité, la dignité humaine et le respect des peuples.


La présente note s’adresse aux Nations Unies non comme une demande d’intégration dans un cadre prédéfini, mais comme une proposition d’ouverture, une invitation à repenser ensemble les leviers d’action face à des menaces transnationales qui, de plus en plus, se jouent en dehors des radars classiques. Loin d’opposer les Nations Unies à d’autres acteurs, cette réflexion stratégique vise au contraire à tracer les lignes d’une possible convergence entre institutions internationales, société civile, centres de recherche indépendants et citoyens engagés. Elle n’a pas vocation à dresser un bilan technocratique ni à verser dans le commentaire généraliste. Elle entend au contraire proposer une grille de lecture structurée, un diagnostic sans concession, mais aussi des passerelles de coopération crédibles, pour que le multilatéralisme du XXIe siècle ne se réduise pas à une nostalgie diplomatique, mais redevienne une matrice d’intelligence collective.


Face à l’instrumentalisation des colères populaires, à la saturation des imaginaires numériques, à l’érosion des repères partagés et à la guerre informationnelle menée à grande échelle par des puissances étrangères, les institutions ne peuvent plus se contenter d’observer. Elles doivent agir. Et pour agir, elles doivent d’abord comprendre. Comprendre les logiques d’infiltration cognitive, les techniques d’influence à bas bruit, les processus d’ingénierie sociale qui sapent la souveraineté des peuples en leur faisant croire qu’ils se révoltent librement alors qu’ils sont orientés, pilotés, manipulés par des récits construits pour les affaiblir.


Le CESS, fort de son ancrage européen, de son approche transversale et de son indépendance intellectuelle, se tient à la croisée des chemins. Il ne prétend pas se substituer aux grandes agences onusiennes, mais il affirme avec force que le combat pour la paix passe aujourd’hui par une capacité renouvelée à protéger les consciences, à défendre les jeunesses, à sécuriser les récits, à reconstruire les liens entre institutions, citoyens et vérité. Cette note est la première pierre d’un dialogue que nous souhaitons profond, exigeant et porteur de solutions.


I. UN ORDRE MONDIAL EN PERTE DE MAÎTRISE


Le XXe siècle s’est achevé sur une illusion partagée : celle d’un monde désormais unifié par la mondialisation, stabilisé par la prééminence des normes juridiques internationales, apaisé par la diffusion supposée irréversible de la démocratie et du progrès technique. L’effondrement du bloc soviétique, l’expansion du commerce mondial, l’avènement de l’Internet, la montée en puissance de l’Union européenne, l’universalisation de certains référentiels institutionnels et la consolidation apparente des grandes enceintes multilatérales laissaient croire à l’émergence d’un ordre planétaire régulé, cohérent, capable d’amortir les soubresauts et d’absorber les conflits.


Or, ce cadre s’est fissuré avec une rapidité et une brutalité que peu d’analystes avaient anticipées. La fragmentation de l’espace informationnel, le retour des logiques de puissance, la remise en cause ouverte des règles du droit international, les ingérences étrangères répétées dans les processus démocratiques, l’érosion des alliances historiques, la radicalisation des opinions publiques, la vulnérabilité stratégique des infrastructures numériques et l’irruption de menaces hybrides et diffuses ont contribué à désarticuler un équilibre déjà fragile. La scène mondiale ne se caractérise plus par une conflictualité frontale entre blocs idéologiques ou par un affrontement militaire classique, mais par une instabilité permanente, souvent silencieuse, qui ronge les fondements mêmes de la confiance entre les nations et au sein des sociétés.


Ce nouvel état du monde ne relève pas simplement d’une accumulation de crises sectorielles. Il traduit un basculement d’époque. L’équilibre post-guerre froide, fondé sur la dissuasion nucléaire, le commerce globalisé, les flux financiers encadrés et la diplomatie multilatérale, a cédé la place à une configuration éclatée, marquée par la montée de puissances autoritaires, la multiplication des zones grises de conflictualité, la guerre des récits et la saturation des canaux d’information. Les logiques de confrontation ne s’expriment plus uniquement sur le terrain militaire ou diplomatique, mais dans l’arène des perceptions, des émotions, des croyances, des représentations symboliques. Les acteurs qui dominent ne sont plus nécessairement les États dotés d’un siège au Conseil de sécurité, mais les puissances agiles qui maîtrisent les outils de captation cognitive, d’ingénierie sociale, de manipulation algorithmique et de mobilisation émotionnelle à grande échelle.


Dans ce contexte, les fondements mêmes du multilatéralisme se trouvent contestés. L’universalité des normes est remise en cause par des régimes qui revendiquent leur propre narratif civilisationnel. Le principe de sécurité collective est sapé par les stratégies d’alignement flexible, les alliances circonstancielles et les logiques de contournement. L’autorité des institutions internationales est fragilisée par la paralysie de leurs mécanismes internes, les pressions croisées exercées par des États membres concurrents, et la perte de crédibilité auprès des opinions publiques. La parole onusienne ne parvient plus à structurer le débat mondial ; elle est trop souvent perçue comme éloignée, lente, désincarnée, ou instrumentalisée.


Dans le même temps, l’affaiblissement des États-nations dans leur capacité à garantir la sécurité intérieure, à maintenir l’ordre public numérique, à protéger les jeunes générations des manipulations et à assurer une souveraineté informationnelle effective, accentue la défiance envers les grandes structures internationales. Les sociétés s’en remettent alors à des logiques d’adhésion identitaire, de replis communautaires ou de ruptures populistes, qui déstabilisent encore davantage les équilibres globaux. Il ne s’agit plus simplement d’un problème de gouvernance institutionnelle ; c’est la perception même de la légitimité de l’ordre international qui est profondément ébranlée.


Le Centre Européen de Sécurité et de Stratégie formule ici une conviction structurante : l’époque actuelle appelle une refondation stratégique du multilatéralisme, fondée non plus uniquement sur des traités entre États, mais sur une compréhension renouvelée des formes d’influence, des mécanismes de déstabilisation, des logiques transversales de menace et de la nécessaire association des sociétés civiles à la prévention des conflits invisibles. Ce qui se joue désormais, ce n’est plus seulement la compétition entre puissances militaires ou économiques, mais la maîtrise des imaginaires collectifs, la résilience des démocraties ouvertes, la sécurisation des consciences citoyennes dans un espace public planétaire éclaté.


L’ONU, en tant que matrice de régulation mondiale, conserve une légitimité symbolique considérable. Mais elle ne pourra exercer pleinement cette légitimité que si elle accepte de se doter de nouveaux outils d’analyse, de dialogue et d’intervention, adaptés à la complexité du moment. C’est à cette condition qu’elle redeviendra un acteur pertinent dans la gouvernance globale, non pas en répétant des schémas du passé, mais en inventant une diplomatie cognitive, une stratégie de la vérité et une alliance renouvelée avec les forces vives des sociétés.


II. LES LIMITES ACTUELLES DE L’ONU FACE AUX NOUVELLES MENACES HYBRIDES


L’Organisation des Nations Unies fut pensée à une époque où les menaces étaient visibles, identifiables, centralisées, souvent militaires, toujours attribuables. Elle fut conçue comme un rempart juridique et diplomatique contre la répétition des conflits armés à grande échelle, avec pour pilier une architecture de sécurité collective reposant sur la dissuasion, la négociation interétatique, le maintien de la paix et la coopération au développement. Cette vocation demeure précieuse, indispensable, voire irremplaçable. Mais elle se heurte aujourd’hui à une mutation profonde de la conflictualité mondiale.


Le XXIe siècle n’a pas seulement vu émerger de nouveaux conflits ; il a vu se métamorphoser les formes mêmes de confrontation. La guerre ne se déclare plus, elle se diffuse. Elle ne commence plus par une déclaration officielle, elle s’installe par contagion narrative, par déséquilibre psychologique, par saturation cognitive. Elle infiltre les réseaux sociaux, les groupes militants, les espaces de désinformation, les chaînes de messagerie, les plateformes culturelles, les codes visuels et les registres émotionnels. Les frontières classiques de la souveraineté, de l’intentionnalité et de la responsabilité sont brouillées. La menace ne vient plus seulement de l’extérieur ; elle s’immisce à l’intérieur des esprits, des algorithmes, des colères.


Or, l’ONU, dans sa structure actuelle, n’est pas armée pour comprendre, cartographier, anticiper ni traiter ces nouvelles formes de conflictualité. Les agences qui composent le système onusien se caractérisent par une extrême spécialisation, une segmentation fonctionnelle et une inertie administrative qui rendent difficile la mobilisation face à des menaces transversales. À l’exception de quelques initiatives pionnières, souvent trop peu dotées et trop peu médiatisées, les Nations Unies n’ont pas encore intégré pleinement la dimension cognitive, numérique et sociale de la sécurité globale.


Ce retard conceptuel s’observe d’abord dans le champ de la désinformation. Si certaines agences comme l’UNESCO ont commencé à travailler sur l’éducation aux médias et à l’information, ces efforts demeurent marginaux au regard de l’ampleur des opérations d’influence actuellement menées par des États, des groupes privés, des réseaux criminels ou idéologiques à travers le monde. Il ne s’agit plus de simples rumeurs ou de propagandes ciblées ; il s’agit de véritables stratégies d’ingérence informationnelle, coordonnées, industrialisées, amplifiées par l’intelligence artificielle, et souvent difficilement attribuables. Ces actions ne visent pas seulement à manipuler des opinions : elles visent à éroder la confiance dans les institutions, à fragmenter les sociétés, à détourner les processus électoraux et à rendre inopérant tout discours de vérité.


En matière de cybersécurité, les efforts de coordination internationale se heurtent à des divergences profondes entre États membres, à l’absence de normes contraignantes et à l’opacité des infrastructures numériques. Le cyberespace est devenu un champ de bataille quotidien, invisible pour le grand public mais central pour les équilibres géopolitiques. Et pourtant, les Nations Unies peinent encore à produire une doctrine claire, une cartographie des menaces, un mécanisme de réaction coordonnée. Ce vide stratégique nourrit l’impunité des acteurs malveillants, affaiblit les dispositifs de prévention, et laisse les sociétés civiles sans protection face à des attaques systémiques.


Plus largement, l’ONU souffre d’un angle mort structurel : celui de la jeunesse et de la vulnérabilité cognitive des générations nées avec les réseaux sociaux comme principal espace de socialisation politique, émotionnelle et identitaire. Les mécanismes de radicalisation, d’adhésion complotiste, de rupture civique ou de rejet démocratique ne sont pas des phénomènes marginaux ; ils sont en voie de devenir, dans certains pays, la norme pour des franges entières de la population. Or, aucun programme onusien majeur n’intègre encore pleinement cette réalité dans ses priorités stratégiques. Les outils de prévention sont dispersés, souvent obsolètes, et rarement conçus en concertation avec les acteurs de terrain ou les chercheurs spécialisés dans l’analyse des dynamiques de manipulation collective.


Enfin, l’architecture décisionnelle même des Nations Unies constitue un frein à l’adaptation rapide aux nouvelles menaces. Le Conseil de sécurité, marqué par les blocages récurrents entre grandes puissances, peine à produire des résolutions opérationnelles sur des sujets aussi sensibles que l’ingérence numérique, la désinformation électorale ou la guerre algorithmique. Les programmes de l’UNDP, de l’UNODC ou de l’UNICRI, bien que pertinents, restent trop éclatés pour former une stratégie globale. La logique de pilotage sectoriel empêche une approche transversale qui associerait les dimensions sécuritaire, cognitive, sociale, éducative, technologique et diplomatique.


Le Centre Européen de Sécurité et de Stratégie ne prétend pas apporter une solution univoque à cette crise fonctionnelle. Mais il affirme qu’aucune réforme onusienne sérieuse ne pourra réussir sans une refonte profonde des cadres d’analyse, sans une reconnaissance explicite des nouvelles conflictualités hybrides et sans une coopération structurée avec les forces de la société civile stratégique. Cela suppose de dépasser le langage diplomatique traditionnel, de renoncer à certains tabous institutionnels, et d’ouvrir des espaces de dialogue inédit entre États, chercheurs, experts indépendants et acteurs du numérique.


Ce que révèle cette incapacité actuelle de l’ONU à penser et à affronter les menaces hybrides, c’est l’urgence d’une diplomatie cognitive, d’une architecture de sécurité informationnelle globale, d’une stratégie concertée de prévention des déstabilisations mentales, culturelles, émotionnelles et collectives. À défaut, l’Organisation des Nations Unies risque de devenir un vestige d’un ordre mondial dépassé, respecté pour son histoire, mais contourné dans les décisions qui comptent.


Le Centre Européen de Sécurité et de Stratégie, fort de son expérience dans l’analyse des phénomènes d’ingérence, des manipulations sociales, des vulnérabilités numériques et des fractures informationnelles, propose dans les chapitres suivants des pistes concrètes pour penser cette refondation stratégique. Car ce n’est qu’en intégrant la complexité des menaces invisibles que le multilatéralisme pourra redevenir une force opérante.


III. LA GUERRE COGNITIVE COMME NOUVELLE FRONTIÈRE DE LA SÉCURITÉ INTERNATIONALE


Il est devenu banal de dire que les guerres de demain ne se joueront plus sur les champs de bataille traditionnels, mais dans les esprits. Ce constat, souvent formulé sous une forme lapidaire dans les milieux diplomatiques ou stratégiques, recouvre en réalité une transformation profonde et multidimensionnelle de la conflictualité mondiale. La guerre cognitive, loin d’être une simple extension de la guerre psychologique ou de la propagande de guerre, constitue aujourd’hui un mode de confrontation stratégique autonome, structuré, doté d’objectifs politiques explicites, d’outils technologiques sophistiqués et de conséquences massives sur les équilibres sociaux, électoraux, géopolitiques et identitaires.


Cette guerre ne vise pas prioritairement la destruction physique d’un territoire ou la neutralisation d’un dispositif militaire ; elle vise la captation, la déstabilisation, la fragmentation de la conscience collective. Elle infiltre les récits, détourne les colères, instrumentalise les vulnérabilités émotionnelles, pollue les perceptions, affaiblit la confiance, sape les repères. Elle ne s’exerce pas à travers des déclarations officielles ou des déploiements militaires, mais à travers les images virales, les commentaires anodins, les micro-vidéos à vocation humoristique, les détournements symboliques, les contenus de désinformation savamment calibrés, diffusés à grande échelle et amplifiés par les logiques virales des plateformes numériques.


Le cœur de cette guerre est le champ informationnel : un espace devenu à la fois espace de socialisation, d’influence, de mobilisation et de déstabilisation. À l’intérieur de cet espace se joue aujourd’hui une bataille pour le contrôle des perceptions, pour l’orientation des imaginaires, pour la normalisation des récits parallèles, pour la légitimation des narratifs de rupture. L’objectif n’est pas tant de convaincre que de faire douter ; non pas de proposer une idéologie structurée, mais de rendre floue toute distinction entre le vrai et le faux, entre l’analyse et la croyance, entre la critique démocratique et la propagande déguisée. Il ne s’agit plus d’opposer un récit à un autre, mais de saturer l’espace mental pour y rendre toute pensée critique inopérante.


Dans cette guerre silencieuse, les premières victimes sont les jeunesses. Nées dans un monde saturé d’écrans, d’algorithmes et d’interfaces, soumises à une exposition permanente aux flux informationnels non vérifiés, baignées dans des environnements cognitifs instables, les nouvelles générations constituent une cible privilégiée des puissances qui cherchent à affaiblir les démocraties de l’intérieur. Le succès des campagnes de désinformation, la viralité des contenus conspirationnistes, la popularité croissante de certains récits extrémistes ou nihilistes, l’érosion de la confiance dans les institutions, la radicalisation émotionnelle et la perte de repères sont autant d’indicateurs d’une fragilité cognitive massive et inquiétante.


Ce phénomène n’est pas marginal. Il est central dans la redéfinition des équilibres internationaux. Car une société qui doute de tout, qui se méfie de ses représentants, qui rejette les cadres institutionnels, qui bascule dans la confusion entre fait et opinion, entre expérience personnelle et preuve vérifiée, est une société vulnérable. Une société qui devient perméable aux récits imposés de l’extérieur est une cible stratégique. La guerre cognitive agit alors comme un cheval de Troie : elle ne se contente pas d’exploiter les failles internes, elle les élargit, les amplifie, les retourne contre la société elle-même, jusqu’à faire de celle-ci une arme contre ses propres fondements démocratiques.


Ce que le Centre Européen de Sécurité et de Stratégie observe dans ses travaux sur les dynamiques d’ingérence, les manipulations sociales, la radicalisation informationnelle et la désarticulation des imaginaires publics, c’est une montée en puissance inédite des dispositifs d’attaque cognitive, souvent initiés par des États autoritaires, mais aussi par des consortiums privés, des mouvements transnationaux idéologisés ou des groupes cherchant à monétiser la désinformation à grande échelle. Ces attaques ne relèvent pas de l’improvisation. Elles sont planifiées, coordonnées, adaptées à chaque contexte national, calibrées selon les vulnérabilités culturelles, les traumatismes historiques, les lignes de fracture identitaire, les tendances sociales émergentes.


Le silence institutionnel qui entoure encore ces phénomènes est lourd de conséquences. L’absence de doctrine internationale sur la guerre cognitive, le retard des dispositifs éducatifs, la passivité de certaines plateformes numériques, la sous-estimation politique des dynamiques de manipulation collective créent un vide stratégique que certains exploitent méthodiquement. Et dans ce vide, ce sont les jeunesses européennes, africaines, sud-américaines, asiatiques qui deviennent les champs de bataille invisibles d’un conflit mondialisé.


La guerre cognitive n’est pas une guerre future. Elle est déjà là. Elle se manifeste dans les élections truquées par l’ingérence algorithmique, dans les émeutes catalysées par de faux récits, dans les divisions sociales entretenues par la manipulation émotionnelle, dans les dépressions collectives induites par la saturation anxiogène des flux numériques. Elle s’incarne dans le complotisme de masse, dans la défiance épidémique, dans la violence symbolique quotidienne, dans le relativisme généralisé qui dissout toute forme d’autorité, de vérité ou de projet commun.


Le CESS estime que toute stratégie de sécurité internationale qui néglige cette dimension est vouée à l’échec. Il ne s’agit pas seulement de protéger les frontières physiques des États, mais les frontières mentales des citoyens. Il ne s’agit pas seulement de maintenir la paix entre les nations, mais de reconstruire la capacité des sociétés à croire, à comprendre, à se projeter. L’ONU, si elle veut jouer un rôle structurant dans le monde de demain, doit faire de la guerre cognitive un champ de priorité absolue. Non pas en militarisant la pensée, mais en défendant activement la liberté de conscience, la qualité de l’information, la solidité des institutions éducatives et la santé mentale collective.


La sécurité du XXIe siècle ne peut être pensée sans une écologie des esprits. Et cette écologie commence par une reconnaissance lucide de la guerre invisible qui se joue dans nos téléphones, nos récits, nos émotions, nos débats, nos convictions. Là où certains voient encore une dérive médiatique ou une affaire de communication, le CESS voit une ligne de front stratégique.


IV. VERS UNE DIPLOMATIE COGNITIVE ET UNE GOUVERNANCE PARTAGÉE DES RISQUES


Il est des termes que l’histoire impose. La diplomatie cognitive en est un. Elle ne résulte ni d’un concept à la mode ni d’un engouement académique passager, mais d’un besoin pressant, d’un vide stratégique qui, s’il n’est pas comblé, condamnera les sociétés ouvertes à se défendre à l’aveugle dans des environnements où l’information est devenue une arme, la confusion une tactique, et la manipulation une stratégie de puissance.


La diplomatie cognitive repose sur une double conscience : d’une part, la reconnaissance de la pensée comme espace stratégique — non pas au sens idéologique du terme, mais comme matrice de la souveraineté individuelle et collective ; d’autre part, l’impératif d’organiser, à l’échelle internationale, une réponse coordonnée face aux risques qui affectent la capacité des sociétés à rester maîtresses de leurs choix, de leurs perceptions, de leurs désirs et de leurs récits.


Cette diplomatie ne se substitue pas aux cadres diplomatiques classiques. Elle ne vient ni les concurrencer, ni les marginaliser. Elle les complète. Elle les étend à des champs qu’ils ont longtemps négligés : la circulation virale des récits, l’ingénierie de la colère, l’architecture des algorithmes, la polarisation cognitive, la dégradation du débat public, la perte d’autorité épistémologique, la montée des contre-mondes numériques. Elle reconnaît que la paix ne se maintient pas seulement par la dissuasion militaire ou la médiation diplomatique, mais aussi par la protection des écosystèmes cognitifs, par la régulation des environnements numériques, par l’éducation à l’information, par la résilience psychique des citoyens, par la lutte active contre l’ingérence émotionnelle et l’instrumentalisation des vulnérabilités mentales.


Cette prise de conscience impose un aggiornamento de l’ensemble des cadres institutionnels internationaux, à commencer par ceux des Nations Unies. Il ne s’agit plus simplement d’ajouter des rapports ou des résolutions, mais de créer un nouveau paradigme de coopération — un paradigme où les États, les organisations internationales, les acteurs technologiques, les plateformes numériques, les universités, les ONG, les think tanks et les forces citoyennes se rassemblent pour penser et protéger l’intégrité cognitive des sociétés.


Le Centre Européen de Sécurité et de Stratégie estime que l’Union européenne peut jouer un rôle central dans l’émergence de cette gouvernance partagée. En tant que modèle politique fondé sur la délibération, le droit, la transparence, la pluralité des opinions et la souveraineté démocratique, l’Europe porte une responsabilité historique dans la défense de ces valeurs à l’ère numérique. Encore faut-il qu’elle les assume, non pas en se limitant à des régulations technocratiques, mais en construisant une vision stratégique, en mobilisant ses institutions et en nouant des alliances structurées avec les organisations internationales.


La diplomatie cognitive doit devenir une composante explicite de l’agenda européen de sécurité. Cela implique la création de cellules de veille interinstitutionnelles, la coordination active avec les missions de diplomatie publique de l’Union, le développement de programmes de résilience cognitive dans les États membres, la formation des diplomates à la lecture stratégique des flux informationnels, la mise en place de coopérations renforcées avec les agences onusiennes concernées, telles que l’UNESCO, l’UNICRI ou l’UNODC.


Mais l’Europe ne peut porter seule cette ambition. Le multilatéralisme demeure le cadre le plus légitime pour construire une réponse mondiale. À condition toutefois qu’il soit réinventé. L’Organisation des Nations Unies doit reconnaître que les menaces hybrides — et notamment la guerre cognitive — affectent directement ses objectifs fondateurs. L’érosion de la confiance dans les institutions, la propagation des récits de haine, la manipulation électorale, la normalisation de la désinformation et la dégradation du débat public ne sont pas des sujets périphériques. Ils constituent des facteurs de conflit, d’instabilité, de crise humanitaire, de blocage démocratique, de violences sociales et d’échecs du développement.


C’est pourquoi la gouvernance des risques hybrides ne peut plus reposer sur des structures dispersées, ni sur des approches strictement techniques. Elle nécessite une architecture globale, fondée sur trois piliers : l’alerte précoce, la coordination internationale et l’action citoyenne. L’alerte précoce suppose la mise en place d’outils de veille capables d’identifier les signaux faibles de manipulation, de cartographier les campagnes d’influence, d’analyser les dynamiques de radicalisation cognitive et de produire des rapports indépendants à destination des décideurs. La coordination internationale implique la mutualisation des données, l’harmonisation des cadres juridiques, le partage des bonnes pratiques et la création de task forces mixtes entre États, plateformes et organisations de la société civile. L’action citoyenne enfin suppose l’implication active des populations dans la défense de leur propre souveraineté mentale — par l’éducation, par l’expression libre et responsable, par la participation à des réseaux de veille, par l’engagement civique.


Le Centre Européen de Sécurité et de Stratégie, à travers ses travaux sur les dynamiques d’ingérence, les vulnérabilités informationnelles, la souveraineté numérique et la résilience démocratique, se positionne comme un acteur pleinement mobilisé pour accompagner cette évolution. Il ne s’agit pas de créer un nouvel organe technocratique, mais de fédérer les initiatives, d’articuler les compétences, de faire dialoguer les disciplines, de tisser des alliances entre institutions, chercheurs, journalistes, ingénieurs, enseignants, élus, citoyens. Il s’agit de reconstruire un pacte cognitif.


Cette diplomatie cognitive que nous appelons de nos vœux n’est pas un luxe. Elle est une nécessité stratégique. Elle ne relève pas de l’idéalisme. Elle est un réalisme lucide face à l’ampleur des offensives invisibles qui menacent l’équilibre du monde. Elle est, enfin, une voie d’espérance : celle d’une communauté internationale capable de défendre non seulement ses frontières, mais ses idées ; non seulement ses territoires, mais ses consciences.


V. POSITIONNEMENT STRATÉGIQUE DU CESS DANS L’ARCHITECTURE INTERNATIONALE DE SÉCURITÉ


Dans le paysage fragmenté et en recomposition des acteurs de la sécurité internationale, rares sont les structures capables de lier avec cohérence les enjeux de souveraineté, de résilience démocratique, de guerre cognitive, de manipulation des colères sociales et de dérives informationnelles. Rares sont celles qui articulent, dans un langage commun, les savoirs issus du terrain, les alertes nées de l’observation citoyenne, les analyses produites par la recherche appliquée et les outils concrets de diagnostic stratégique. Le Centre Européen de Sécurité et de Stratégie se veut précisément un trait d’union entre ces dimensions.


Sa création, en 2025, s’inscrit dans une séquence historique particulière : celle d’une montée en puissance sans précédent des mécanismes d’ingérence étrangère, de la polarisation des sociétés européennes, de la saturation des espaces informationnels et de l’effritement des repères démocratiques partagés. Mais le CESS n’est pas né d’une réaction immédiate à la crise. Il est le fruit d’un cheminement intellectuel, d’un ancrage militant et institutionnel, d’une volonté de construire une structure souple, indépendante, engagée, capable d’alerter, de comprendre, de proposer, de relier et de transformer.


Cette position originale tient à plusieurs facteurs.


D’abord, le CESS se distingue par son ancrage européen assumé, mais sans enfermement technocratique. Il se pense dans l’héritage des grands projets d’unification pacifique du continent, mais refuse l’angélisme. Il se veut exigeant avec les institutions européennes comme avec les gouvernements nationaux, conscient que la souveraineté stratégique ne peut se construire que sur une base populaire, claire, légitime. Sa critique des dérives informationnelles et son analyse des vulnérabilités européennes ne sont pas des postures mais des exigences : celle de redonner à l’Europe une capacité d’anticipation, de décision, d’action et de protection.


Ensuite, le CESS développe une méthodologie transversale, fondée sur la confrontation entre les sources ouvertes, les signaux faibles, les retours du terrain, les données issues des réseaux sociaux, les corpus documentaires institutionnels, les récits alternatifs produits par les jeunesses numériques et les travaux de chercheurs indépendants. Cette approche lui permet de cartographier les phénomènes d’influence non plus de manière figée, mais dynamique, en intégrant les évolutions culturelles, les mutations technologiques, les crises sociales et les lignes de tension identitaires.


Par ailleurs, le Centre refuse la segmentation artificielle des disciplines. Il considère que la sécurité européenne ne peut être pensée sans sociologie des colères, sans anthropologie des radicalités, sans analyse médiatique, sans psychologie collective, sans droit international et sans technologie de l’information. C’est pourquoi il mobilise des profils hybrides : stratèges, anciens acteurs de la société civile, juristes, analystes open source, experts en cybersécurité, journalistes, spécialistes de l’IA ou de la manipulation algorithmique. Ce croisement des regards fonde sa spécificité.


Mais ce qui légitime surtout l’action du CESS, c’est sa capacité à produire des outils concrets de veille et de coopération stratégique. La création du baromètre de l’ingérence étrangère, la mise en place de cartographies dynamiques des récits hostiles, la participation à des débats publics européens, les correspondances établies avec des institutions multilatérales, les alertes partagées avec des parlementaires, les tribunes publiées dans des médias à large audience, les échanges avec des diplomates ou des représentants de la société civile constituent autant de signaux d’un centre qui agit, qui contribue, qui documente, qui influence.


Le CESS n’a pas vocation à se substituer aux institutions existantes. Il n’est pas un organe de contre-pouvoir ni une cellule d’auto-légitimation intellectuelle. Il est une structure-pont, un acteur de cohérence, un facilitateur de compréhension, un catalyseur de propositions. Son ambition n’est pas de dénoncer pour dénoncer, mais d’alerter pour construire. De comprendre pour agir. De relier pour renforcer.


Dans cette perspective, son insertion dans une dynamique multilatérale, notamment en coopération avec les Nations Unies, est naturelle. Il ne s’agit pas d’intégrer l’ONU au sens administratif du terme, mais de dialoguer avec elle, de nourrir ses réflexions, de participer à ses travaux, de co-construire des indicateurs, de partager des analyses, de proposer des cadres d’action renouvelés. Le CESS se tient à disposition pour contribuer à toute initiative visant à renforcer la gouvernance des risques informationnels, à structurer une réponse internationale face à la guerre cognitive, à accompagner les politiques éducatives, à cartographier les phénomènes d’ingérence et à outiller les acteurs de terrain.


Sa force repose sur sa légitimité de terrain, sa capacité d’analyse indépendante, sa production intellectuelle rigoureuse et sa volonté sincère de contribuer au bien commun. Ce que le CESS propose, ce n’est pas un discours de plus dans le brouhaha stratégique mondial. C’est une parole fondée sur l’expérience, une expertise construite sur le réel, une voix qui sait ce que signifie la perte de repères, la manipulation des foules, la capture des émotions, et qui refuse de voir ces armes invisibles devenir le quotidien des sociétés du XXIe siècle.


VI. POUR UNE ARCHITECTURE MONDIALE DE SÉCURITÉ COGNITIVE : PROPOSITIONS DU CESS À L’ONU


Les défis contemporains exigent des réponses qui ne soient plus strictement sectorielles, mais systémiques. Le Centre Européen de Sécurité et de Stratégie, fort de son ancrage analytique et de sa vocation européenne, soumet ici une série de propositions à l’Organisation des Nations Unies et à ses principales agences, afin de contribuer à la mise en place d’un cadre mondial de prévention, de régulation et de résilience face aux menaces cognitives et informationnelles. Ces propositions ne prétendent pas à l’exhaustivité, mais à la structuration. Elles visent à initier un mouvement global, pragmatique, coopératif, fondé sur la protection de l’intégrité démocratique, la consolidation de la confiance publique et la maîtrise des environnements numériques.


La première nécessité réside dans la création d’un Haut Comité des Nations Unies sur les risques informationnels et cognitifs. Placé sous l’autorité du Secrétaire général et doté d’un mandat transsectoriel, ce comité réunirait des représentants de l’UNESCO, de l’UNICRI, de l’OMS (en matière de santé mentale numérique), de l’UNODC (en lien avec la criminalité transnationale liée à la désinformation), ainsi que des États membres volontaires, des chercheurs, des représentants de la société civile, des plateformes technologiques et des organes de presse internationaux. Il aurait pour mission d’élaborer un rapport annuel sur l’état de la sécurité cognitive mondiale, identifiant les principales zones de manipulation, les campagnes d’influence étatiques ou non-étatiques, les risques émergents, les atteintes aux processus électoraux, ainsi que les stratégies d’atténuation observées.


En parallèle, le CESS préconise l’adoption d’un Protocole international pour l’intégrité informationnelle dans les processus démocratiques, annexé à la Déclaration universelle des droits de l’homme. Ce protocole, non contraignant dans un premier temps mais moralement engageant, aurait pour vocation de codifier un certain nombre de principes essentiels : transparence des sources, traçabilité des contenus sponsorisés politiquement, interdiction des campagnes de désinformation à l’étranger, protection des enfants et des adolescents contre la manipulation algorithmique, garantie d’accès à des contenus vérifiés en période électorale, promotion de la pluralité des récits au sein des plateformes numériques.


Troisièmement, le Centre appelle à la création d’un réseau mondial d’observatoires civils de l’ingérence. Ces structures, implantées à l’échelle régionale (Europe, Afrique, Asie, Amérique latine, Moyen-Orient), seraient pilotées localement mais coordonnées par une cellule centrale onusienne. Elles auraient pour mission de documenter les campagnes hostiles, d’identifier les foyers de radicalisation cognitive, de relayer les signaux faibles auprès des États et de former les acteurs de terrain (enseignants, journalistes, responsables associatifs, élus locaux) à la lecture stratégique des dynamiques informationnelles.


Le Centre plaide également pour la mise en place d’un Fonds pour la Résilience Cognitive et la Souveraineté Numérique des États vulnérables, administré par le PNUD, l’UNESCO et l’OMS. Ce fonds viserait à financer des projets pilotes dans les pays en développement ou dans les démocraties fragilisées, en soutenant la formation à l’éducation aux médias, la création de plateformes d’information publiques, la recherche sur les effets psychosociaux de la désinformation, ainsi que le renforcement des capacités des institutions locales à détecter, analyser et contrer les opérations d’influence étrangère.


Sur un plan diplomatique, le CESS recommande que les Nations Unies instaurent une journée mondiale de la vigilance informationnelle, au cours de laquelle chaque État membre serait invité à présenter ses initiatives en matière de régulation, de prévention et de sensibilisation. Cette journée constituerait un espace de pédagogie internationale, mais aussi un levier de mobilisation politique et citoyenne, contribuant à faire émerger une culture mondiale de la souveraineté cognitive.


Enfin, le CESS propose d’organiser, sous l’égide de l’ONU, une Conférence mondiale sur la paix cognitive, réunissant États, institutions multilatérales, ONG, acteurs technologiques, experts, journalistes, enseignants et jeunes leaders. Cette conférence ne serait pas un simple forum de discussion, mais un lieu d’engagement concret, permettant de formaliser des partenariats, de signer des chartes, de co-construire des modules éducatifs, d’identifier des bonnes pratiques, d’encourager les transferts de compétences et de produire un agenda commun à l’échelle des prochaines décennies.


Ces propositions, le Centre Européen de Sécurité et de Stratégie ne les avance ni dans l’abstraction, ni dans une posture dénonciatrice. Elles procèdent d’une volonté de bâtir une action globale, lucide, organisée, qui redonne à l’Organisation des Nations Unies son rôle de gardienne des équilibres, non seulement géopolitiques, mais cognitifs. Il ne s’agit plus seulement de prévenir les guerres armées, mais de contenir les guerres invisibles, d’apaiser les esprits, de protéger les jeunesses, de réguler les flux toxiques et de garantir aux peuples le droit de penser, de débattre, de choisir sans manipulation.


PAR CONSÉQUENT : POUR UNE CONSCIENCE STRATÉGIQUE MONDIALE


Il n’est plus temps d’observer les bouleversements du monde comme de simples anomalies passagères. Nous vivons une transformation radicale des formes de pouvoir, des modes de conflictualité, des territoires de l’influence. Les empires du visible reculent devant les forces du récit, les armes cèdent du terrain aux données, les drapeaux s’effacent derrière les flux. Et dans cette recomposition silencieuse, ce ne sont plus les institutions seules qui garantissent la paix, mais la capacité des sociétés à se défendre contre l’érosion de leur conscience.


Ce que nous appelons aujourd’hui ingérence étrangère, désinformation, manipulation des colères, captation des imaginaires, polarisation cognitive, n’est rien d’autre qu’un nouveau champ de bataille global, où les esprits sont devenus des cibles, et la vérité une monnaie spéculative. Et dans ce champ de bataille, les démocraties sont vulnérables, non parce qu’elles sont faibles, mais parce qu’elles sont ouvertes, parce qu’elles ont fait le choix du doute, du débat, de la complexité. Cette ouverture est leur grandeur. Elle est aussi leur point faible. Il nous appartient désormais de la protéger.


Le Centre Européen de Sécurité et de Stratégie est né de cette urgence. Il n’est pas un observatoire de plus, ni une voix isolée dans le tumulte. Il est une tentative, modeste mais résolue, de construire un nouveau langage stratégique, un lieu de dialogue entre la société civile et les institutions, une plateforme de lucidité démocratique, un bastion cognitif face au brouillard des manipulations.


Ce que nous proposons à travers cette note, c’est d’ouvrir une voie. Non pas une voie unique, ni dogmatique, mais une voie exigeante, transversale, responsable : celle d’une gouvernance mondiale des vulnérabilités informationnelles, construite sur la coopération, la transparence, la pédagogie et la protection des esprits. Nous ne croyons pas en la fatalité du chaos numérique, ni en l’impuissance des démocraties. Nous croyons au sursaut. Nous croyons à la puissance des alliances, à la force des idées, à la dignité des peuples qui veulent rester maîtres d’eux-mêmes.


L’Organisation des Nations Unies, dans sa vocation première, est née pour conjurer les barbaries visibles. Le temps est venu pour elle de reconnaître les barbaries invisibles. L’ONU doit redevenir la gardienne non seulement des équilibres géopolitiques, mais de l’intégrité cognitive des sociétés humaines. Car ce qui s’effondre aujourd’hui, ce ne sont pas seulement des normes ou des frontières : ce sont des repères, des vérités partagées, des mémoires communes, des langages collectifs.



Car c’est là, au fond, la seule souveraineté qui vaille : celle de l’esprit.

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